Le neuromarketing se base sur l’activité cérébrale des consommateurs pour analyser et prédire leur réaction face à une situation donnée. Il s’agit d’une application des connaissances actuelles en neuroscience. La méthode est réellement prometteuse, car elle permet à terme d’influer directement sur le cerveau des prospects. Toutefois, sa mise en œuvre pose problème sur le plan éthique.
En quoi consiste le neuromarketing ?
Le neuromarketing se définit comme une application pratique des neurosciences cognitives dans le domaine de la communication et de la vente. Le concept est issu de travaux réalisés par le neurologue Read Montague de l’université Baylor (Texas) dans les années 2000. Le chercheur a notamment observé la réaction du cerveau aux messages des marques.
Avec cette méthode, le principal objectif est de comprendre les différentes opérations cérébrales entrant en jeu dans l’acte de consommation. Les entreprises pourront ainsi ajuster leur stratégie marketing en fonction des réactions inconscientes du public.
Concrètement, les marketeurs privilégieront les messages et les supports suscitant le plus d’intérêt chez les consommateurs pour booster les ventes. Le principe en soi n’est pas nouveau. En effet, les entreprises s’efforcent généralement de connaître les attentes des clients pour pouvoir y répondre.
Jusqu’à présent, elles devaient se fier aux résultats des sondages et autres études basées sur des affirmations. Cette technique implique toutefois des limites pratiques et méthodologiques (condition d’observation, panel représentatif, etc.). La situation s’est un peu améliorée avec l’arrivée du marketing digital, du machine learning…
Cependant, même le traitement des données utilisateurs comporte des lacunes. Il cherche en effet à prévoir le comportement des internautes en étudiant leurs habitudes, leur profil, etc. Avec le neuromarketing, l’analyse est menée directement au niveau du cerveau des consommateurs.
À travers cette démarche, les marketeurs contournent les problématiques liées au langage. Ils peuvent en effet visualiser les activités cérébrales provoquées par les stimuli présentés. De ce fait, les entreprises auront les moyens de quantifier l’impact réel de leurs messages sur le public.
Comment fonctionne-t-il ?
Les experts en neurosciences utilisent généralement l’imagerie, la numérisation et diverses technologies pour mesurer l’activité cérébrale du sujet étudié. Ces outils sont également indispensables en neuromarketing. Ils permettent en effet d’observer la réponse du consommateur à une publicité, un site, un packaging et autre création marketing.
Parfois, les participants eux-mêmes ne sont pas conscients des réactions suscitées par les stimuli sur leur système cognitif. Pourtant, les éléments présentés peuvent avoir un impact considérable sur la partie primitive de leur cerveau. Les marketeurs ont ainsi accès à des données plus fiables par rapport aux traditionnels sondages.
À la base, la réaction des consommateurs est analysée sous quatre perspectives : l’attention, l’émotion, la mémorisation et l’intensité. L’eye tracking fait notamment partie des techniques utilisées pour identifier les éléments pouvant capter l’attention.
Dans la pratique, les experts étudient les mouvements oculaires des participants pour connaître ce qui attire naturellement l’œil humain. Ils pourront ainsi évaluer l’efficacité visuelle d’une publicité, d’un emballage ou d’un contenu numérique.
Pour mesurer l’émotion et la mémorisation, les marketeurs utilisent l’IRM (imagerie par résonance magnétique) et l’EEG (électroencéphalogramme). Ces techniques d’imagerie permettent de connaître les messages retenus et suscitant de l’émotion. Ces deux facteurs sont d’ailleurs décisifs dans le processus d’achat.
Enfin, le neuromarketing peut aussi nécessiter un ECG (électrocardiogramme) et un appareil pour mesurer l’activité électrodermale des sujets. En effet, l’intensité d’une émotion se traduit souvent par la transpiration et la modification du rythme cardiaque. Au final, les entreprises pourront anticiper la réaction du public grâce à toutes ces mesures.
Qui utilise le neuromarketing ?
Depuis son apparition, cette innovation marketing a été utilisée par de nombreuses entreprises mondialement reconnues. Certaines assument leur décision. D’autres préfèrent rester discrètes en raison des problèmes éthiques et juridiques associés à cette pratique.
Le site français Voyages-SNCF a notamment adopté cette démarche pour anticiper la réception de l’évolution de la plateforme. Avant de devenir Oui-SNCF, l’entreprise a étudié les IRM d’un panel de volontaires pour découvrir l’impact des changements. Ces derniers ont été validés suite à des réponses globalement positives.
La marque allemande Mercedes-Benz a également eu recours à cette technique. Elle a ainsi rapproché le design de ses voitures d’un visage humain pour susciter la sympathie du public. Cette réaction est mesurable dans la zone du cerveau dédié au plaisir et à l’empathie. L’opération a effectivement fonctionné et permis d’augmenter ses ventes de 12 % en trois mois.
Le géant américain Mac Donald’s, pour sa part, a réussi à améliorer son image de 7 points grâce au neuromarketing. À l’aide d’IRM, son équipe a essayé d’identifier les odeurs permettant de percevoir la marque comme étant saine. L’odeur la plus appréciée a ensuite été ajoutée aux produits d’entretien des restaurants. Accusée de manipulation, la chaîne affirme avoir cessé ces expérimentations.
Spécialisée en neuromarketing, l’agence américaine NeuroFocus a déjà collaboré avec de grands groupes comme Google ou encore Facebook. Ce dernier a commandé une étude en 2011 pour connaître l’impact de ses contenus publicitaires sur les internautes. De son côté, le moteur de recherche a souhaité mesurer l’efficacité du format Overlay à son lancement
Les limites éthiques du neuromarketing
Les critiques concernant le neuromarketing sont principalement d’ordre éthique. Selon ses détracteurs, il s’agit d’une forme de manipulation, car les marques influent directement sur l’inconscient de leur clientèle. Cette méthode permet effectivement d’analyser les réactions spontanées de la partie primitive du cerveau humain. Les marketeurs ajustent ensuite leurs créations en fonction de ces données.
À ce niveau, la question de la liberté de choix se pose nécessairement. En effet, les messages validés par les tests neuroscientifiques auront un impact significatif sur les désirs des consommateurs. Ainsi, leurs effets se situent en amont de l’acte d’achat lui-même. Au final, le client n’est plus vraiment libre de choisir lorsqu’il se retrouve en ligne ou en magasin.
Quoi qu’il en soit, le sujet est ultrasensible en raison des techniques employées et des informations traitées. La loi française interdit d’ailleurs l’utilisation d’outils d’imagerie cérébrale (IRM, scanners, etc.) à des fins commerciales. De ce fait, le site Voyages-SNCF a dû mener ses tests en Belgique.
Pour leur défense, les spécialistes dans le domaine assimilent cette technique à l’intervention d’un bon psychologue. Ils ne s’immiscent ni dans le cerveau, ni dans les décisions des consommateurs. Ils se contentent de créer des modèles à partir des activités cérébrales de sujets lambda. Ces informations serviront ensuite de base pour anticiper leurs comportements futurs.
Photo de couverture @tampatra via twenty20.com